Calligraphie Chinoise : Tout savoir et découvrir

La calligraphie est l'une des formes d'art les plus importantes du monde chinois ! Il est essentiel pour les apprenants du mandarin d'en connaitre les bases.

On ne peut parler de la culture chinoise sans mentionner la calligraphie, cet art qui joua un rôle central chez l’élite intellectuelle chinoise au fil des dynasties.

La calligraphie se fond encore aujourd’hui dans le paysage chinois, présente sur les plaques des temples chinois, les enseignes de boutiques ou encore les couplets (对联, duìlián) – bandes de papier de couleur rouge – affichés sur les montants des portes d’entrée des maisons. À l’occasion du nouvel an chinois, les chinois accueillent la nouvelle année en écrivant au pinceau des mots de bon augure sur des couplets de printemps (春联, chūnlián). La calligraphie est donc un art toujours très présent en Chine puisqu’il est pratiqué aujourd’hui par des millions d’amateurs chinois. Cet article vous donnera donc quelques éléments importants pour comprendre l’une des formes d’art les plus anciennes.

 

Caractères écrits sur une enveloppe rouge dans un temple à l’occasion du nouvel an chinois

 

Qu’est ce que la calligraphie chinoise ?

La calligraphie chinoise est l’art d’écrire des caractères chinois de manière esthétique au pinceau. Cet art est aujourd’hui pratiqué non seulement en Chine mais aussi dans les pays d’Asie de l’Est.

Les maîtres de calligraphie chinoise utilisent des pinceaux d’épaisseurs différentes pour tracer de façon rythmique et fluide des caractères sur une feuille de papier afin de créer une composition esthétique.

La calligraphie était considérée comme l’une des quatre compétences les plus recherchées parmi les anciens lettrés chinois, avec la maîtrise d’instruments de musique (琴, qín), la connaissance du jeu de Weiqi (棋, qí, plus connu sous le nom de Go),et la peinture (画, huà). La formation classique d’un érudit chinois se basait donc sur ces quatre arts (琴棋书画, qín qí shū huà) qui constituent les piliers de la culture traditionnelle chinoise.

La calligraphie et la peinture à l’encre de Chine sont des arts étroitement liés de par leur histoire commune et l’utilisation des mêmes matériaux (pinceau, encre et papier) et techniques. La façon d’appréhender ces deux arts sont également similaires en ce que les œuvres de calligraphie et de peinture chinoises sont jugées selon les mêmes critères, à savoir la vitalité et l’expressivité du coup de pinceau.

La maîtrise de la calligraphie chinoise permet de juger de l’expression poétique d’un individu ainsi que de sa dextérité manuelle. Elle requiert généralement pour un style particulier de calligraphie chinoise des années de pratique et de perfectionnement et une maîtrise de l’ordre des traits, de la structure du caractère, de la balance, ainsi que du rythme.

Les matériaux utilisés en calligraphies constituent ce qu’on appelle en chinois les « quatre trésors du lettré »  文房四宝 wénfángsìbǎo, à savoir le pinceau 笔 bǐ, le bâtonnet d’encre 墨 mò, le papier 纸 zhǐ et la pierre à encre 砚 yàn, qui sont les outils indispensables du lettré chinois à la pratique de la calligraphie et de la peinture chinoises.

L’utilisation de ces quatre outils permettent ainsi l’expression de la beauté de l’art chinois, d’où leur appellation de « quatre trésors ». Le processus calligraphique lui aussi repose sur un ensemble minimaliste de règles qui permettent pourtant des variations infinies et des visuels complexes.

 

 

Brève introduction à l’écriture chinoise

Les caractères chinois, appelés également sinogrammes, se classent en différentes catégories suivant leur étymologie, à savoir :

 

Les pictogrammes 象形 xiàngxíng

Les pictogrammes représentent directement l’objet qu’ils évoquent. Ce sont les caractères le plus anciens que l’on retrouve dans les inscriptions oraculaires et ils ne constituent qu’une minorité des caractères. Par exemple, le caractère 馬 mǎ évoque un cheval; celui de 木 mù représente un arbre.

 

Les idéopictogrammes 指事 zhǐshì 

Les idéopictogrammes ne représentent pas un objet, contrairement aux pictogrammes, mais une idée abstraite au moyen d’un signe explicite. Les chiffres en chinois qui font partie de cette catégorie expriment visuellement le chiffre qu’ils représentent : ainsi 一 yī, 二 , èr, 三 sān sont les caractères utilisés pour représenter un, deux et trois.

 

Les idéogrammes composés 会意 huìyì

Ces idéogrammes sont composés de deux éléments pour traduire un autre sens. C’est le cas du caractère 男 nán composé du champ 田 tián et de la force 力 lì qui assemblés en un seul caractère signifient l’homme. Le caractère 休 xiū, qui signifie se reposer, est composé du radical de l’homme 人 rén et d’un arbre 木 mù pour évoquer l’idée de “repos”.

 

Les idéophonogrammes 形声 xíngshēng

Les idéophonogrammes qui composent plus de 90% des caractères chinois sont formés d’un caractère qui donne le sens (le radical) et d’un autre élément qui indique le son. On peut donc deviner la prononciation des idéophonogrammes en regardant leur composition. En général, le radical se trouve à gauche et indique le sens, alors que la partie droite du caractère indique la prononciation. Ainsi, les caractères composés du caractère 馬 mǎ se prononceront probablement mǎ, tel que 媽 mā (maman) ou 嗎 ma, particule finale interrogative.

 

L’histoire de la calligraphie chinoise

Les premiers caractères chinois furent découverts sur des omoplates de boeuf et des carapaces de tortues gravées par des oracles . Cette forme d’écriture – les inscriptions oraculaires ou écriture ossécaille (甲骨文 jiǎgǔwén) datent des dynasties Shang (1600-1046 av. J.-C.) et Zhou (1045-256 av. J.-C.) sont des comptes rendus de demandes d’oracle et sont un miroir des préoccupations des souverains de cette ère qui se souciaient notamment de la guerre, des moissons, de la santé, etc.

 

Fragment d’un os d’oracle datant de la dynastie Shang (1600-1046 av. J.-C.)

 

Les inscriptions chinoises en bronze 金文 jīn wén sont des inscriptions de caractères chinois sur des bronzes rituels comme les cloches 钟 zhōng et les chaudrons tripodes 鼎 dǐng de la dynastie Shang à la dynastie Zhou.

 

Inscriptions en bronze

 

Outre les supports mentionnés ci-dessus, les documents en Chine antique étaient aussi écrits au pinceau sur des lamelles de bambou 简牍 jiǎn dú avant l’introduction généralisée du papier. Cette technique fut utilisée dès la fin de la dynastie Shang (environ -1250) jusqu’à la dynastie Han (206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.). Ce support fut ensuite abandonné au profit du papier (à partir du quatrième  siècle après J. -C.).

Les caractères chinois étaient alors écrits en style sigillaire 篆书 (zhuànshū) (pendant la deuxième moitié du premier millénaire av. J.-C.), utilisé dans la gravure décorative et des sceaux. Les caractères ayant évolué de manière différente selon les états durant la période des Royaumes combattants, le Premier Empereur chinois Qin Shi Huang imposa de nombreuses réformes durant son règne (dynastie Qin) dont celle de la normalisation de 3000 caractères. C’est ainsi que le style petit sigillaire 小篆 xiǎozhuàn, dont les caractères ont une forme plus carrée, fut adopté à travers la Chine durant cette période.

L’écriture des clercs 隶书 (lìshū), dérivée du style petit sceau, fut développée durant cette même période pour devenir le style dominant durant la dynastie Han. Ce style tire son nom de la fonction qu’il servait, à savoir la tenue des dossiers par les commis et fonctionnaires d’état. Les caractères écrits dans ce style sont reconnaissables à leur forme “trapue” et à l’épaisseur de leur trait.

Un style encore plus régulier que les précédents est élaboré par le dernier empereur de la dynastie des Han de l’Ouest (-206 à 9 ap. J.-C.) pour faciliter l’écriture – le style régulier 楷书 (kǎishū). Le style régulier encore utilisé aujourd’hui et fut le style dominant durant la dynastie Tang (618-907), de nombreuses oeuvres réalisées par de célèbres maîtres tels que Yan Zhenqing et Liu Gongquan sont réalisées dans ce style.

Les oeuvres classiques produites à l’impression au bloc de bois durant la dynastie Tang adoptèrent ce style d’écriture et ceci favorisa l’utilisation généralisée du style régulier.

Le style semi-cursif Xingshu 行书 hángshū émergea du besoin de prendre des notes plus rapidement durant la dynastie Han. Ce style est reconnaissable à la manière dont les traits sont légèrement relié.

Le style cursif ou le style herbe 草书 cǎoshū développé durant les dynasties Han et Jin est d’autant plus difficile à déchiffrer que le style semi-cursif, dans la mesure où le pinceau ne quitte presque pas le papier et ne respecte pas les règles de tracé des caractères, ce qui permet la prise de note rapide.

La calligraphie chinoise a donc derrière elle une histoire longue de plusieurs millénaires et a évolué avec l’apparition de nouvelles technologies en plus de s’adapter aux besoins spécifiques d’une époque à l’autre.

 

Les différents traits de pinceaux (introduction au caractère 永)

La calligraphie chinoise repose entre autres sur l’ordre de des traits de chaque caractère ou 筆順 Bǐshùn qui sont tracés généralement de haut en bas, de gauche à droite et de l’horizontale à la verticale.

Il y a huit traits basiques 筆畫 en chinois utilisés pour la composition de tout caractère, appelés les “huit principes de yǒng”. Ces traits sont tous présents dans le caractère 永 (éternel) souvent utiliser pour illustrer ces traits fondamentaux.

 

Les huit principes de yǒng Source : Wikipedia

 

點 diǎn, « point » :

  • Petite goutte qu’on retrouve dans le caractère 馬 ou le radical du toit 宀 comme un trait vertical qui descend légèrement vers la droite.

橫 héng, « barre horizontal » :

  • barre horizontale de gauche à droite comme dans le caractère 大 ou le caractère 我 (grand trait horizontal).

竪 shù, « barre verticale » :

  • barre verticale présente dans 口 (à gauche) ou dans 中.

鈎 gōu, « crochet final »

  • crochet final qui ne compte pas comme un trait mais est la terminaison d’un trait vertical, ou de traits diagonaux comme dans 了.

提 tí, « remontée »

  • Ce trait se trace de gauche à droite en remontant légèrement comme dans le radical扌(deuxième trait horizontal) ou bien le radical 氵(dernier trait en bas).

彎 wān, « courbe à gauche »

  • N’apparaît pas de manière indépendante mais est visible dans certains traits qui présentent une ou plusieurs courbes comme dans ⻎.

撇 piě, « diagonale gauche »

  • Trait diagonal qui s’écrit de la droite vers la gauche (haut en bas), mais qui peut être presque horizontal comme dans le caractère 毛 (premier trait en haut), ou orienté verticalement dans le caractère 兒 (trait en bas à gauche).

捺 nà **« courbe à droite »

  • Courbe qui s’écrit de gauche à droite et descend vers le bas comme dans le caractère 入 (trait à droite).

Les caractères chinois sont composés par ces traits fondamentaux et il est donc important de les connaître lorsqu’on souhaite apprendre à lire les caractères chinois.

 

Les 5 types de calligraphie

Il existe cinq principaux styles de calligraphie: le style sigillaire, le style clérical, le style régulier, le style semi-cursif et le style cursif.

Chaque style a subi des modifications au cours du temps en termes de structure ou de style artistique.

 

 

Style sigillaire 篆書 zhuànshū

Le style sigillaire fut l’écriture officielle sous la dynastie Qin (-221 à -206). Il regroupe le grand sceau 大篆 dàzhuàn utilisé durant les dynasties Shang et Zhou et le petit sceau 小篆 xiǎozhuàn, forme normalisée du grand sceau par le premier empereur de Chine Qin Shi Huang.

Le petit sceau est reconnaissable par la « grandeur » du caractère, plus haut que large (ratio de 3:2), la symétrie du caractère dont les deux côtés sont de largeur égale, les traits droits, des courbes “lissées”, et l’espace entre chaque trait. Les traits sont de la même épaisseur.

Les caractères écrits en style sigillaire donnent une impression de stabilité de par leur structure.

 

Caractère du cheval en style petit sceau

 

Style des scribes 隸書 lìshū

Le style clérical fut développé durant la dynastie Qin par des fonctionnaires de rang inférieur afin d’effectuer plus promptement des tâches. Le style clérical présente des traits plus simplifiés que ceux du style sigillaire et présente moins de courbes. Il fut développé par Cheng Miao qui était fonctionnaire de prison, d’où le terme 隸書 lìshū . Ce style fut populaire durant la dynastie han.

 

Caractère du cheval en style des clercs

 

Les caractères écrits en style clérical donnent une impression d’élégance grâce aux espaces réguliers entre chaque trait. Les traits horizontaux se terminent à la manière d’une vague: le trait devient plus épais à son extrémité puis s’affine. C’est ce qu’on appelle la “queue d’oie sauvage” 雁尾 yàn wěi. Cependant, un caractère comprenant plusieurs traits horizontaux n’aura qu’une « queue d’oie sauvage ». De plus, ce sera généralement le trait à la base du caractère (le plus en bas) qui aura cette forme, afin de stabiliser la structure générale du caractère. Si le caractère horizontal le plus long se trouve en haut du caractère, ce sera alors ce trait-là qui sera accentué de cette manière.

Les caractères du style clérical ne font pas tous la même taille: les caractères écrits sur une même ligne auront des proportions différentes, Les caractères sont donc alignés “sur le haut”.

 

Style régulier 楷書 kǎishū

Le style régulier, dérivé du style clérical,  fut élaboré vers la fin de la dynastie Han.

 

Caractère du cheval en style régulier

 

Les traits sont concis et tracés séparément. La structure de chaque caractère est carrée, contrairement à la structure rectangulaire du style sigillaire.

 

Style semi-cursif ou courant 行書 xíngshū

Le style semi-cursif ou courant est un style à mi-chemin entre les styles cursif et régulier. Les caractères écrits en style semi-cursif sont écrits plus rapidement que le style régulier et sont plus facilement déchiffrables que le style cursif.

 

Caractère du cheval en style semi-cursif

 

Il est recommandé aux apprenants de calligraphie de maîtriser le style régulier avant d’apprendre les styles cursifs.

 

Style d’herbe 草書 cǎoshū

Le style cursif ou d’herbe est le style le plus simplifié mais aussi le plus abstrait et difficile de tous les styles de calligraphie chinoise.

 

Caractère du cheval en style cursif ou herbe

 

L’une des principales caractéristiques du style d’herbe est la simplification de la partie gauche du caractère (le radical) et l’accent mis sur la partie droite du caractère. Les traits sont tracés rapidement et le pinceau ne quitte presque pas la feuille.

Les caractères simplifiés 简体字 jiǎntǐzì introduits lors de plusieurs réformes de l’écriture en Chine continentale au 20ème siècle sont dérivés du style cursif.

 

Caractère simplifié du cheval

 

Vocabulaire chinois lié à la calligraphie (Pinceau, encre, etc)

Chinois simplifié Chinois traditionnel Pinyin Français
书法 書法 shūfǎ calligraphie
中国书法 中國書法 zhōngguó shūfǎ calligraphie chinoise
书法家 書法家 shūfǎ jiā calligraphe
琴棋书画 琴棋書畫 qín qí shū huà les quatre arts (musique, Go, calligraphie, peinture)
文房四宝 文房四寶 wénfángsìbǎo les quatre trésors du lettré (pinceau, encre, papier, pierre à encre)
毛笔 毛筆 máobǐ pinceau
墨水 墨水 mòshuǐ encre
硯台 硯台 yàntái pierre à encre
宣纸 宣紙 xuānzhǐ papier
笔顺 筆順 bǐshùn tracé d’un sinogramme
笔画 筆畫 bǐhuà trait d’un caractère
笔法 筆法 bǐfǎ style, technique d’écriture
提笔 提筆 tíbǐ commencer à tracer un caractère
收笔 收筆 shōubǐ finir de tracer un caractère
甲骨文 甲骨文 jiǎgǔwén inscriptions sur os d’oracle
金文 金文 jīn wén inscriptions en bronze
简牍 簡牘 jiǎn dú lamelles de bambou
篆书 篆書 zhuànshū style sigillaire
大篆 大篆 dàzhuàn grand style sigillaire ou style grand sceau
小篆 小篆 xiǎozhuàn petit style sigillaire ou style petit sceau
隶书 隸書 lìshū style clérical
楷书 楷書 kǎishū style régulier
行书 行書 hángshū style semi-cursif ou style courant
草书 草書 cǎoshū style cursif ou style herbe
书法作品 書法作品 shūfǎ zuòpǐn oeuvres de calligraphie
篆刻 篆刻 zhuànkè gravure des sceaux
对联 對聯 duìlián couplets, bandes de papier affichées sur les montants des portes d’entrée
春联 春聯 chūnlián couplets de printemps, bandes de papier affichées sur les montants des portes d’entrée pour le nouvel an chinois

 

Voilà ! Vous savez tout ce qu’il y a à savoir sur la calligraphie chinoise ! Vous pouvez vous initier à cet art en utilisant le matériel que vous avez sous la main, c’est-à-dire une plume, un simple style bille voire un crayon à papier.

 

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